Dans une lettre à Jean-Pierre Serre datée du 16 août 1964, Alexandre Grothendieck, en spéculant sur la possibilité d’une théorie des motifs, définissait un objet qu’on appelle aujourd’hui l’anneau de Grothendieck des variétés, qui a joué un rôle de plus en plus important en géométrie algébrique dans les trente dernières années. Cet anneau est engendré par les variétés algébriques (c’est-à-dire, des objets géométriques donnés par les lieux de zéros communs de systèmes polynomiaux), regardées à isomorphisme et découpage près. Après une introduction générale de l’anneau de Grothendieck des variétés et de ses propriétés (aucune familiarité avec la géométrie algébrique n’étant supposée), nous allons voir comment il donne un cadre naturel pour étudier certains objets algébriques ou géométriques d’un point de vue statistique: pour illustrer notre propos, nous allons nous intéresser à la question concrète (mais vague) suivante: quelle est la « probabilité » qu’un polynôme en plusieurs variables soit non-singulier ?